DÉFILÉ DU 1ER AOÛT 2025 À COTONOU : Patrice Talon demande pardon aux béninois pour ses insuffisances

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À l’issue du défilé militaire marquant la célébration de la 65eme fête nationale du Bénin ce 1er août 2025, le président de la République, Patrice Talon, a livré dans un extrait d’interview accordé à la chaîne publique Srtb, une déclaration chargée d’émotion. Il y sollicite le pardon du peuple béninois pour les insuffisances qu’il reconnaît dans l’exercice de ses deux mandats à la tête du pays.

« J’ai personnellement le sentiment que j’ai donné le meilleur de moi-même. Je suis allé jusqu’au bout de mes efforts, de mon imagination, de ma réflexion, de tout ce que je possède comme potentiel. J’ai travaillé avec bonne foi. Même si j’ai pu me tromper souvent, n’étant pas Dieu, je demande aux Béninois de me pardonner mes insuffisances, et de croire au destin commun », a déclaré le président Talon. Il conclut en assurant que « le meilleur est à venir » et que « demain sera encore meilleur qu’aujourd’hui ».

Cet aveu inédit intervient à quelques mois de la fin de son second mandat, au moment où il s’apprête à passer le relais. Le ton autoritaire cède alors la place à celui de la contrition. Il ne s’agit plus d’imposer ou de convaincre, mais de reconnaître ses limites et de tendre la main à un peuple longtemps tenu à distance. Ce peuple, parfois réprimé, devient soudain le juge moral d’un homme qui, pendant neuf ans de pouvoir marqué par la verticalité, les exils forcés et les emprisonnements arbitraires, avait rarement admis ses torts. Dans une posture qui se veut humble, Patrice Talon ne s’adresse plus à la nation en homme d’État sûr de lui, mais en individu faillible. Cette déclaration vise à humaniser son pouvoir et à en atténuer les excès.

Mais derrière cette demande de pardon, faut-il voir une sincérité tardive ou une stratégie politique ? La question reste ouverte et alimente déjà les débats.
Faut-il pardonner le pouvoir ? Et surtout, peut-on réellement parler de pardon en politique sans actes concrets de réparation ?

Dans la sphère intime, le pardon suppose une reconnaissance sincère du tort causé, un regret profond et des gestes réparateurs. En politique, la logique est souvent différente. L’appel au pardon devient parfois un outil pour brouiller les responsabilités, désamorcer les critiques, et éviter toute reddition de comptes. Il jette un voile sur des années d’abus, dans l’espoir que l’Histoire oubliera ce que la mémoire collective retient encore.
Patrice Talon, en homme d’affaires devenu chef d’État, a gouverné par réformes audacieuses mais souvent brutales, concentrant le pouvoir et s’appuyant sur une justice perçue comme inféodée. Il a transformé le pays, certes, mais à quel prix humain, social et démocratique ?

Nul ne peut nier l’ampleur des transformations initiées depuis son élection. Élu sur une promesse de rupture, il engage dès son arrivée une refonte des politiques publiques : rationalisation de l’administration, digitalisation des services, lutte contre certaines formes de corruption, réforme des finances publiques. Les projets structurants se multiplient : modernisation des infrastructures routières, réhabilitation des marchés, revalorisation du patrimoine culturel, amélioration des services de santé.
En somme, le chef de l’État imprime à la gestion publique une rigueur nouvelle.

Mais l’autre visage du régime Talon, celui que son propre aveu semble désormais reconnaître, apparaît un peu plus sombre. Car la modernisation s’est accompagnée d’un resserrement autoritaire traduisant une absence d’indulgence. Des opposants croupissent toujours en prison, d’autres vivent en exil, tandis que des lois liberticides continuent d’entraver les libertés fondamentales. Le peuple paie le prix de certaines décisions stratégiques qui l’éloignent d’un minimum de subsistance et de participation démocratique.

Alors pardonner, oui, mais quoi ? Et surtout, pourquoi maintenant ? Un pardon sans actes vaut-il rédemption ?

L’humilité, dans la bouche d’un homme de pouvoir, est rarement gratuite. Elle intervient souvent trop tard, avec une visée stratégique : masquer les responsabilités, préparer une sortie sans heurts, et réécrire le bilan à l’encre de la bienveillance. Dans un pays où l’État de droit a été mis à l’épreuve, le pardon ne peut être qu’un aboutissement démocratique, pas une échappatoire. Ceci étant, le pardon sollicité par le président ne peut être accepté sans conditions. Il doit s’accompagner d’un désarmement du pouvoir : libération des prisonniers politiques, retour des exilés, abrogation des lois d’exception, et ouverture d’un dialogue national pour refonder le pacte démocratique. Ce n’est qu’à ce prix que l’appel au “destin commun” peut être perçu comme sincère, et non comme une ruse de fin de règne.

Ainsi, s’il souhaite sortir par la grande porte, il devra poser des gestes forts et irréversibles. Car demander pardon n’est jamais anodin. Cela implique au minimum la reconnaissance des torts, mais surtout une volonté de réparation. Or, dans le cas de Patrice Talon, l’aveu reste au stade des paroles. Il affirme avoir agi de bonne foi. Soit. Mais en politique, la bonne foi ne se déclare pas : elle se démontre. Et le pardon n’est pas un préalable à la justice, il en est le prolongement.

✍️ Sabirou TAWEMA

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